Pour sortir un disque, il faut avoir quelque chose à dire.
Demis Roussos
Quand votre projet musical est assez mûr pour envisager de sortir un album, quelques questions vont invariablement se poser.
Qui fait quoi ?
Dans un premier temps, il est important de faire un distinguo entre la production, l’édition phonographique et la distribution.
La Production
Le producteur prend en charge les frais liés à l’enregistrement, c’est-à-dire de la prise de son au mastering (en passant par les différentes phases de mixage). Ces frais peuvent concerner la location de studio(s), la location de matériel, les salaires des artistes, du ou des techniciens, mais aussi le visuel de la pochette. Parce qu’il a ainsi produit le disque, le producteur est de fait propriétaire du master (enregistrement principal). Ce master servira de point de départ à la duplication de supports physiques ou à une diffusion par internet.
Remarques : – Le producteur peut être une personne physique ou une personne morale – Le producteur peut être une structure adossée à un artiste, un groupe – Le producteur peut lui-même être éditeur de son enregistrement
L’édition phonographique
L’éditeur phonographique prend en charge les frais liés à la fabrication des disques pour les exploiter commercialement. Pour ce faire, il négociera un contrat de licence avec le producteur de l’œuvre phonographique.
L’éditeur phonographique, en plus de s’acquitter des Droits de Reproduction Mécanique auprès de la SDRM, sera chargé de faire distribuer et vendre le disque sous les différentes formes choisies. Très souvent, il collaborera avec un distributeur. De plus, il devra également prendre en charge les frais liés à la promotion et au marketing de la vente du disque.
Remarque : – L’éditeur peut être producteur-éditeur
La distribution
Le distributeur achète à l’éditeur (ou au producteur-éditeur) les disques manufacturés et prêts à entrer dans le circuit de vente. Il sera lié à l’éditeur par un contrat de distribution, et prendra une marge sur le prix de gros.
Quels contrats pour lier les différents acteurs ?
Le contrat d'enregistrement exclusif, ou contrat d'artiste.
Il lie le producteur (employeur) à l’artiste (salarié). Il prévoit que le producteur prenne à sa charge l’intégralité des frais de production. En échange, l’artiste cède la propriété des enregistrements, pour un montant inscrit au contrat. Le contrat d’artiste comporte entre autres une clause appelée durée d’exclusivité, qui peut prévoir un nombre de sorties minimum sur une durée définie pour le compte de ce même producteur. L’artiste percevra un intéressement (des royalties) pour chaque type d’exploitation, c’est-à-dire un pourcentage sur les recettes perçues par le producteur.
Remarques : – Le contrat d’artiste n’existe pas quand l’artiste est lui-même producteur de ses œuvres (ex : autoproduction) – Dans le cas de masters auto-produits, l’usage veut que les droits d’exploitations soient cédés à l’éditeur phonographique.
Le contrat de licence
Le producteur et l’éditeur phonographique sont liés par un contrat de licence. Par ce contrat, le producteur concède, pour une durée prévue, un droit d’exploitation à l’éditeur tout en restant propriétaire de l’enregistrement. De plus, ce contrat définit l’exclusivité d’exploitation sur un territoire donné, et les canaux de distribution par lesquels l’œuvre sera disponible. Le contrat définit un montant pour les redevances que le producteur ou l’artiste touchera en fonction des ventes de l’album. Il arrive malheureusement qu’un projet ne rencontre pas le succès que l’on espérait : ce contrat de licence prévoit aussi souvent un partage du risque financier entre les parties.
Le contrat de distribution
L’éditeur et le distributeur sont liés par un contrat de distribution. Ce contrat déterminera entre autres, le prix d’achat, l’échelonnement des livraisons et des paiements, et le territoire concédé.
Paumé ? On résume en schéma : en cliquant sur le schéma vous verrez en bleu les acteurs du monde du disque, en jaune les sociétés de gestion des droits, en mauve les flux financiers.
Le cas de l'autoproduction
L’autoproduction implique que l’intégralité des dépenses – la production des masters, la fabrication des disques, la promo et la distribution – soient prises en charge par une structure adossée à l’artiste ou au groupe. La structure pourra donc signer un contrat de distribution avec un distributeur pour pouvoir rendre son œuvre accessible en physique et sur les plate-formes numériques. La difficulté pour une première sortie d’album est que ces distributeurs intègrent pour la plupart à leur catalogue des producteurs qui ont déjà à leur actif plusieurs sorties. La solution pour démarrer est donc peut-être d’opter pour la vente par correspondance, et de compter sur les ventes en fin de concerts.
Concernant la présence sur le web, une plate-forme comme Bandcamp permet de mettre sa musique à disposition de son public en direct. Des sites proposent des offres clés en main pour mettre soi-même sa musique à disposition sur les plateformes numériques. Cf notre article Streaming
À savoir : la plupart des sociétés de gestion de droits d’auteur demandent un contrat de distribution physique et/ou numérique pour attribuer une aide financière. Une information à intégrer si l’on compte sur des subventions de ces organismes de gestion collective pour boucler son budget.
Structuration :
Pour un premier album il peut être difficile de trouver une maison de disque ou un éditeur prêt à parier sur son projet. Les groupes et artistes vont alors souvent se tourner vers l’autoproduction, ce qui nécessite de fonder une entité juridique pour porter le projet. Le plus souvent, c’est la structure associative qui est retenue, la plus simple à mettre en place (il suffit d’être deux pour déposer les statuts et elle ne nécessite pas d’apport financier au départ), mais qui a aussi ses limites : l’association doit être gérée de manière désintéressée, il est de ce fait déconseillé aux artistes-interprètes de siéger au bureau ou au CA de l’asso qui gère leur projet musical. Il faudra respecter l’organisation de la vie associative : conseils d’administration, ordres du jour, assemblées générales… Des connaissances en comptabilité seront aussi un plus. Enfin, il est important de garder en tête qu’autoproduire son projet n’est pas synonyme de tout faire tout seul. Il est important de savoir bien s’entourer et de déléguer pour ne pas risquer de voir le projet artistique pollué par les considérations administratives. Pour des projets ambitieux et déjà arrivés à un certain niveau de développement, il est possible de se pencher sur les structurations commerciales, SARL (Société à responsabilité limitée), EURL (Entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée) et SAS (Société par actions simplifiée) en premier lieu. Elles offrent l’avantage que le risque financier se limite à l’apport de départ, et permettent de bénéficier de subventions des organismes de gestion collective. Il est néanmoins question de créer une entreprise, ce qui demande du temps, de l’investissement et une grande rigueur dans la gestion au quotidien. Petit point sur les différentes structurations possibles : www.didierfelix-avocat.com/creer-son-label-les-10-choses-a-prevoir/
Le budget prévisionnel est un document indispensable, à mettre en forme lors des toutes premières démarches de la production. Il faudra anticiper chacune des dépenses à venir, en se laissant aussi une petite marge pour des dépenses imprévues. Il doit être équilibré, prévoyant des recettes en face des dépenses à engager. Il sera nécessaire de le mettre à jour régulièrement avec l’avancée du projet, pour arriver doucement à un budget réalisé. Le budget prévisionnel est demandé dans les dossiers de subventions. Pour plus d’infos sur les aides financières à solliciter pour un projet d’enregistrement, consulter notre article Aides à l’enregistrement
Voici un exemple de budget prévisionnel pour un enregistrement de 40 minutes pour 5 personnes : Budget_prévisionnel_exemple
Pour rester sur ce sujet des aides, il faut savoir que pour demander des subventions il sera important que les salaires des artistes respectent les montants minimums fixés dans la convention collective du secteur (CCNEP). Le salaire des artistes comprend le travail en studio et l’autorisation pour l’enregistrement et l’exploitation des titres.
Voici les montants minimums les plus utiles issus de cet accord :
Artiste principal – Annexe III, Titre II • Si l’employeur utilise jusqu’à 10 minutes des interprétations de l’artiste fixées dans le cadre d’un travail défini, le salaire minimum est fixé à 180,78 € par tranche indivisible de 5 minutes d’interprétation fixée effectivement utilisée. • Si l’employeur utilise entre 10 et 20 minutes des interprétations de l’artiste, le salaire minimum est fixé à 542,35 € pour une tranche indivisible de 20 minutes d’interprétation fixée effectivement utilisée. • Si l’employeur utilise plus de 20 minutes des interprétations de l’artiste, le salaire minimum est fixé à 29,82 € par minute d’interprétation fixée effectivement utilisée pour les artistes principaux, hors artistes lyriques, chefs d’orchestre, chefs de chœur, diseurs et artistes dramatiques.
Artiste musicien – Annexe III, Titre III • Cachet dit « de base » de 3h et < 20′ de musique utilisée = 168,12 € brut • Cachet de 4h et < 27′ de musique utilisée = 224,16 € brut • Journée au forfait (minimum 3 jours sur une suite de minimum 7 jours d’enregistrement) et < 20′ de musique utilisée = 278,46€ brut • Journée au forfait et > 20′ de musique utilisée = 390,03€ brut
Pour plus de détails concernant la convention et les salaires minimums applicables, lire la fiche pratique de la Fédération des Labels Indépendants : fede-felin.org
En plus de ce salaire, les artistes se verront aussi payer des royautés ou redevances (royalties en anglais), calculés sur la base de pourcentages des ventes de l’album.
Ces revenus seront aussi complétés par du droit d’auteur éventuel (pour les auteurs et compositeurs) et des droits voisins (droits des interprètes), gérés par les sociétés de gestion collectives, à condition qu’ils ou elles y adhèrent.
Au début du projet, on n’oublie pas de définir un rétro-planning, qui reprend les étapes de la production et en parallèle les actions de promo que l’on pense mettre en place. Le Réseau des Indépendants de la musique (RIM) a fait une illustration qui reprend toutes ces étapes dans l’ordre, qui part de 7 mois avant la sortie de l’album jusqu’à arriver au jour J.
La promo :
Pour préparer au mieux la sortie d’un album, il est primordial de bien construire sa stratégie promotionnelle. Pour compléter les infos contenues sur l’infographie du RIM, vous pouvez lire cet article Groover sur le budget à consacrer à la comm : blog.groover.co/conseil/budget-promotion-musicale-en-ligne/
Les démarches indispensables :
Lorsque l’on veut sortir un disque, une demande d’autorisation est impérative, celle de la SDRM (Société des Droits de Reproduction Mécanique). Cette demande est à effectuer auprès de la Sacem. Pour toutes les explications concernant la SDRM et son fonctionnement, lire notre article sur les droits du disque.
Dans le cas de l’autoproduction, c’est à vous de gérer les démarches légales. En tant que producteur phonographique, il sera important d’obtenir votre code ISRC, même s’il n’est pas obligatoire. Ce code ISRC est international, il permet d’identifier chaque enregistrement sonore et audiovisuel de manière unique. Il ressemble à ça : Il est à intégrer à l’enregistrement lors de la phase de mastering, on l’incorpore dans le signal du morceau. Ce code permet l’attribution et la gestion des droits voisins du producteur. Il est délivré en France par la SCPP (sur demande gratuite et sans nécessité d’être sociétaire).
À l’heure du numérique et de l’avènement du streaming, les métadonnées ont une place prépondérante. Celles-ci doivent être extrêmement bien renseignées. Elles permettent de bien ranger votre contenu parmi les millions d’autres fichiers accessibles sur les plateformes. Pour éviter que votre projet ne se retrouve perdu dans les méandres de ces dernières, il va falloir être méticuleux et précis. Parmi ces métadonnées se trouve le Label copy, qui va une fois encore servir à identifier les ayants droit et à répartir les droits entre eux. Groover propose un article détaillé sur les métadonnées et le label copy, à lire pour plus d’informations.
Une des dernières étapes de l’édition de l’album est le dépôt légal obligatoire, à faire auprès de la BNF. Il faut fournir deux copies de l’album (CD ou vinyles) accompagnées d’un cerfa comme celui-ci, parcourrier,enfranchisepostale(dispensed’affranchissement). Indiquersurl’envoi:Franchise postale — dépôt légal — Code du patrimoine Art. L. 132
Cet article n’est évidemment pas exhaustif mais tente un recensement des notions à avoir en tête lorsque l’on pense à enregistrer et sortir un album, ainsi que des démarches principales à effectuer. Pour toute question portant sur la stratégie à adopter par vous ou votre groupe, n’hésitez pas à prendre un rendez-vous à la Manet pour discuter de votre projet.
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